Thomas est un garagiste comme on en rêve : jeune, compétent, pas (trop) cher, à la pointe de la technique et toujours de bonne humeur.

Il n’aurait qu’un seul défaut : il est bordélique désorganisé.

Pourtant il a tout pour s’organiser :
  • De l’espace.
    Toujours encombré par des dizaines de voitures  qui peuvent rester là plusieurs semaines avant d’être réparées. Mais il est sympa, ça évite aux clients pas pressés de ne pas savoir où garer leur véhicule en panne.
  • Du personnel.
    Sa femme à la gestion et occasionnellement aux commandes de pièces, 4 ou 5 employés qu’il envoie sur le champ s’occuper d’un nouveau client. Chez lui les nouveaux arrivants n’attendent pas.
  • Des clients.
    Beaucoup de clients. En fait ce sont presque tous des amis, il les tutoie et discute longuement avec chacun. Les suivants patientent dans la bonne humeur. L’ambiance est familiale chez lui.
Il est vraiment super sympa Thomas !
Mais il va perdre un client. Moi.
  • Quand j’arrive chez lui j’ai  l’impression d’être dans une casse automobile, pas chez un garagiste : les voitures-épaves à moitié désossées en attente d’une hypothétique réparation côtoient les véhicules haut-de-gamme dans l’ immense cour où tout le monde zigzague, pas vraiment rassurant.
  • Les employés ne savent jamais ce qui a été fait ou pas. A force de passer d’un véhicule à l’autre leur concentration est loin d’être optimale et il faut toujours s’assurer que tout ce que l’on a demandé a été effectué.
  • Il est toujours débordé, court partout le téléphone à la main et il faut maintenant minimum 15 jours pour avoir un rendez-vous de réparation… si les pièces nécessaires sont bien arrivées ou conformes. Décidément on ne peut pas faire confiance aux femmes dans la mécanique.
  • Je l’aime bien Thomas. Mais je ne suis pas son ami. Qu’il me tutoie ne me gêne pas plus que ça mais, passées les politesses d’usage, je ne viens pas le voir pour lui raconter ma vie ou écouter la sienne. Simplement pour qu’il résolve mon problème. Et rapidement si possible.
Pourtant il existe quelques règles simples d’organisation, valables pour le garagiste comme pour le médecin ou le coiffeur :
  1. On ne peut travailler avec efficacité que dans un environnement « clean ».
    Pour s’y retrouver soi-même et surtout pour l’impression offerte aux clients : les clients à fort pouvoir d’achat, ceux qui fournissent le gros du chiffre d’affaire et le travail le plus gratifiant intellectuellement hésiteront à laisser leur belle voiture neuve contre la R5 1982 toute rouillée.
  2. Regrouper les tâches favorise la productivité. Quand la concentration est optimale il est intéressant d’effectuer plusieurs tâches connexes dans la foulée plutôt que de faire du « coup par coup. »  Des actes peu rentables à l’unité peuvent en s’additionnant générer un revenu intéressant.
  3. Déléguer les tâches simples peu rentables à 20€ de l’heure et effectuer celles plus spécialisées à 80€ : l’accueil ou la mise à niveau du liquide de lave-glace peut être aussi bien réalisé par l’apprenti que par l’électronicien du garage.
  4. Les clients ne sont pas des amis. Même si l’empathie ou des rapports cordiaux ne nuisent pas à la relation de travail il ne faut pas oublier l’objectif : résoudre un problème le plus rapidement possible, de la meilleure façon, contre rémunération.
On s’aperçoit que tout cela découle d’une planification en amont. Si je devais « auditer » Thomas voilà ce que je lui conseillerais :
  1. Avoir dans le garage uniquement les véhicules devant être réparés dans la semaine. La circulation serait facilité, moins de perte de temps à manœuvrer et une meilleure impression pour le client.
  2. Déléguer l’accueil à une seule personne, unique responsable de la gestion des pièces détachées suivant les instructions de Thomas.
  3. Faire un briefing de 10 mn avant le début de la journée avec tous les employés pour définir et répartir précisément les tâches en fonction des qualifications de chacun et du travail prévu.
  4. Le logiciel du garage utilisé à empiler les rendez-vous du jour comme un vulgaire agenda peut être paramétré avec par exemple une couleur par client et par tâche à effectuer (noir pour une vidange, blanc pour une climatisation, etc…) : un simple coup d’œil permet de savoir à qui affecter la tâche et évitera de donner deux rendez-vous très spécialisés le même jour à la même heure. Les tâches complexes seront scindées et analysées plus précisément.
  5. Interdire l’accès de l’atelier aux clients ce qui éviterait la perte de concentration du personnel, sans cesse dérangé.
  6. Désigner l’employé du jour ayant le moins de travail pour s’occuper des tâches subalternes « imprévues » lors de la venue de clients à qui l’on indiquera qu’il est dorénavant nécessaire de planifier un rendez-vous pour être mieux et plus rapidement servi.

Certes Thomas semblera peut-être un peu moins « sympa », l’ambiance sera moins familiale et ressemblera plus à ce que l’on trouve dans une concession de grosses voitures germaniques mais les clients s’adapteront pour être au final plus satisfaits car, encore une fois, ils viennent pour résoudre leur problème, rapidement.
Thomas quant à lui retrouvera un peu de sérénité dans la gestion de son quotidien, évitera l’ulcère ou pire, limitera conflits, perte de clients et aura une rentabilité nettement supérieure grâce au gain de productivité.
Et puis ses amis, les vrais, il aura plus de temps pour les voir le week-end au lieu d’essayer de rattraper le temps perdu pendant la semaine.

Et vous, en connaissez-vous des Thomas ? Peut-être même en êtes vous un ?
A quand le grand changement qui rendra votre vie plus belle ?